Berwald n'est pas le genre d'homme qui passe inaperçu. Il le ferait, s'il le pouvait, mais sa carrure imposante n'aide pas au contraire. Une armoire, ça devrait suffire à le décrire, en théorie. Très carré d'épaules, tout en muscles secs, il a l'air de pouvoir vous écraser la tête entre ses grandes mains calleuses.

Plusieurs choses renforcent cet aspect presque bestial qui donne à Berwald un air pas très... Commode. La première, c'est une jolie collection de cicatrices qui bardent sa peau blanche comme les fesses d'un nourrisson. Il les collectionne, mais serait incapable de dire à quoi chacune d'entre elle correspond. Pas comme s'il attachait beaucoup d'importance à tout ça. Il se soigne et oublie en une poignée de jours. A sa décharge, la plupart sont couvertes par ses vêtements, il n'a donc pas à y penser outre mesure.

La seconde chose, la plus perturbante peut-être, c'est son regard. Le Suédois a un regard perçant, au point qu'on dirait qu'il peut lire les tréfonds de notre âme. Ce regard lui donne un air perpétuellement agressif, peu importe la situation. Ces deux yeux d'un bleu profond, à peine masqués par des mèches d'un blond sale vous suivront toute votre vie. Ses cheveux d'ailleurs, sont les plus banals du monde, une touffe blonde, mal coiffée, plantée sur un crâne épais. Berwald n'est pas ce qu'on pourrait qualifier de beau, tout est trop carré chez lui.

Ce qui contraste avec cet aspect d'ours blond mal rasé, c'est sa douceur. On pourrait penser que c'est un homme brut de pomme qui vous grogne à la figure. Mais au contraire, sa poignée de main est ferme certes, mais douce. Il pourrait vous écraser d'une main, et se contenterait de vous ébouriffer gentiment les cheveux. On connaissait l'adage de la main de fer dans l'écrin de velours, Berwald est en fait l'illustration de l'effet inverse.

Comme dit précédemment, Berwald est un chamallow dans un corps de grizzli. C'est que cet homme, s'il n'avait pas été une Nation, il aurait été un père de famille, tout bêtement. Sa plus grande joie, c'est de voir les gamins sourire en voyant un nouveau jouet, en sentant les bonnes odeurs de pâtisserie et autres joies de la vie quotidienne. Joies auxquelles il ne goûte plus. Il est donc difficile de se rendre compte de ce qu'est vraiment Berwald. Son cœur se serre souvent en pensant aux gamins qui devraient être dehors à jouer, au lieu de..

Doté d'un humour sarcastique, il garde le plus souvent ses remarques pour lui, et ne parle pas plus que nécessaire. Il est très soucieux du bien-être de chacun, et préfère demander plusieurs fois si la personne va bien, plutôt que d'avoir un doute. L'avantage de se confier à Berwald, c'est qu'il n'est pas insistant, et respecte les limites de chacun. Il place les autres au-dessus de lui, peu importe la situation.

D'un naturel calme et posé, il a cependant constamment besoin de s'occuper les mains. En ça, il peut se rendre utile, c'est le bricoleur du dimanche à avoir sous la patte, puisqu'il s'intéresse à tout ce qui peut être fait avec des mains habiles, comme les siennes. Il connaît beaucoup de chansons et comptines, ce n'est donc pas rare de l'entendre en chantonner une doucement quand il s'occupe. Ca l'aide à se concentrer, ça lui fait oublier où il est.

Berwald n'en a pas l'air, mais il est très facile à approcher. Il est un peu timide, ça ne l'empêchera pas de vous parler s'il a une raison valable de le faire. Peu avide de paroles en l'air, au final Berwald est un homme qui écoute, qui réconforte, qui répare aussi bien les tables que les cœurs brisés. Sans jamais rien demander en retour.  

Berwald a vu beaucoup de choses dans sa longue vie. Beaucoup de jolies choses, le sourire franc d'un ami, les ondulations blondes des cheveux d'un autre, des étoiles dans des yeux aimés, les rires d'un gamin qui se prend pour un grand. Beaucoup d'horreurs, aussi, le sang qui tâche la pierre blanche, l'unique larme sur une joue sale, les tambours de mort des canons, les cris étouffés d'un cauchemar.

Mais tous ces souvenirs n'étaient rien comparés à tout ça. Il avait vu les mutations se multiplier, avec méfiance, le nez froncés à leur simple évocation. Pour lui, la nature est sacrée, l'idée de jouer avec le révulsait un peu. Il n'avait aucune connaissance scientifique, aucun recul pour ramener sa fraise, alors il se taisait, désapprouvant dans l'ombre, s'isolant de plus en plus dans sa maison d'été qu'il retapait encore et encore.

Il ne pouvait fuir éternellement la réalité. La Suède a beau être bien cachée dans son nord profond, elle ne fut évidemment pas épargnée.  Il ne s'était pas rendu compte qu'il avait lui aussi une mutation. Isolé, il ne pouvait pas s'en servir. La situation avait empiré, cependant, il le sentait au plus profond de son être, et était revenu dans sa chère Stockholm. Cette ville qui emprisonne son cœur depuis toujours, qu'il ne peut quitter sans se sentir mal à l'aise, même si trop de choses lui faisaient mal, trop de choses effacées par le temps qu'il pouvait encore voir sur ces pavés trop propres.

Dans ce contexte, la réaction de Berwald était facile à prévoir. Sa grand maison de bord de lac allait lui servir. Il n'allait pas laisser les enfants dehors. Il ne pouvait pas se résoudre à laisser des êtres hauts comme trois pommes assis à côté d'un corps sans forme distincte. Le simple cri de détresse d'un nouvel orphelin lui déchirait le cœur. Grâce à sa mutation, il put les sauver, ils n'avaient plus peur de lui, les enfants avaient confiance en lui. Ne pleure plus, on va retrouver ta mama.

Il s'inquiétait évidemment pour les autres. Où étaient-ils ? S'en sortaient-ils ? Et qui s'occupait des jeunes. Reverrait-il un jour ces deux paires d'yeux bleus le fixer d'un air de défi ? Plus haut Ber, je veux toucher le ciel. Tu ne sais pas te battre, Sve, tu tombes toujours par terre.

La rumeur courrait qu'une base existait en Italie. La décision était difficile. Tenter de retrouver les autres ? Laisser les petits se débrouiller. Inger cherchait son fils, Berwald l'avait retrouvé dans une voiture retournée. Le père était introuvable, mais l'enfant était là, très vite réfugié dans les bras de sa mère. Ses mains potelées se refermèrent autour des clés de la maison. Il faut que tu prennes soin d'eux, tu comprends ? Ils n'ont plus de famille.

Mais Berwald en a une. Tout du moins, il l'espère.