La Philippine, surement comme toute personne qui vit en ce moment même la destruction totale de toute forme de civilisation sur terre, a comme qui dirait changer dans sa manière d'être.
Avant tout ça, Mabel était une jeune femme d'un naturel enjoué. Douce avec tout le monde, elle n'en était pas moins une femme de caractère, bonne vivante qui ne se laissait pas marcher sur les pieds. Aujourd'hui, c'est toujours plus ou moins le cas mais sa douceur et sa tendresse ne transparaissent plus aussi facilement. La jeune femme paraît farouche, peu accessible, un peu sauvage et repliée sur elle-même. Le retour d'une forme de vie sauvage ou du moins, une vie désorganisée dans son pays, l'a retranchée dans une forme de méfiance presque animal vis à vis des autres. Malgré des sourires, une politesse acquise et une voix calme, il n'en demeure pas moins qu'elle ne donne sa confiance que très difficilement. Paradoxalement la solitude lui pèse beaucoup mais elle ne sait bizarrement plus comment aller vers les autres, chose qu'elle savait encore faire il y a quelques années, non pas que le silence la dérange mais elle ne se lancera pas dans de grands monologues de complaintes sur la tristesse de la situation actuelle, elle ne parle que très rarement d'elle et n'a pas énormément de patience face aux personnes qui se plaignent ou face à la détresse d'autrui et s'emporte facilement. Oui parlons-en de sa susceptibilité et de son sang-chaud. Il n'est pas excessif de considérer Mabel comme une personne colérique, soupe-au-lait. C'est la stricte vérité. La Philippine n'est pas quelqu'un de réfléchie mais plutôt quelqu'un d'impulsif se laissant toujours aller à ses premières impressions et à ses premières pulsions, réfléchissant après aux conséquences…

Que de défaut vu comme ça hein ? Pourtant elle n'est pas qu'une boule de défauts.

Comme je le disais plus haut, Mabel a su garder en elle, les traits de son caractère qui la définissaient il n'y a pas des lustres de ça. La jeune femme ne peut réprimer la tendresse maternelle qu'elle pourra éprouver pour quelques personnes, ni les élans protecteurs qui la pousseront à tout donner pour ces personnes. La brune est également quelqu'un qui possède une loyauté et une droiture morale sans borne. Elle n'a jamais eu l'âme d'une leadeuse mais si l'ordre lui paraît juste, elle le suivra à la lettre. Ah oui parlons-en de son gout de la justice ? Que dire de plus à part que l'injustice lui fait voir rouge ? Mabel a toujours besoin de croire que ce qu'elle fait, ce qu'elle entreprend est parfaitement juste et ne blessera personne inutilement.

La jeune philippine sait toujours comment rire et sourire, comment chérir mais ce n'est pas ce qu'elle transmettra de prime abord se refermant sur son mauvais caractère alors que son cœur hurle de ne pas la laisser seule…

“I die without seeing the dawn brighten over my native land. You who have it to see, welcome it ...
and forget not those who have fallen during the night!” J.R

Il fait froid en Europe. Il y fait sec… Le vent est chargé d'une odeur qui ressemble à celle du souffre. Tout ici n'est que désolation… Ah non. Ce n'est pas qu'ici, le monde entier n'est que désolation.  Les yeux caramels de la Philippine se posèrent sur la dernière embarcation qui devait la mener à travers la mer Méditerranée tout droit vers Gênes, enfin ce qui l'en restait et ensuite Milan. Un autre bateau de fortune qui ressemblait à ceux qu'elle avait vu débarquer sur ses côtes, chargés de Japonais, il y a de ça si longtemps. Quand son pied se posa sur la passerelle bancale, elle retient un haut-le-cœur. Après des semaines de voyage, même la mer qui avait toujours été son refuge, la tétanisait. Que s'était-il passé entre ce mois de Juillet 2014 et maintenant …  Octobre 2015, l'année de trop pour l'humanité, l'année où l'homme aurait du disparaître et non rester accroché à une faible lueur d'espoir au fond d'un couloir aux odeurs de sang…


Juillet 2014 : Et si…

Mabel laissa l'eau de la mer caresser ses jambes tandis qu'elle regardait se lever la lune à l'horizon. La journée avait été longue, les nouvelles ? Les mêmes que depuis quelques semaines. Les mutations touchent de plus en plus de personne, le monde semble muter comme une cellule humaine le fait constamment. En bien ? C'est ce que les scientifiques semblent avancer. Les pouvoirs sont divers, des fois fabuleux, quelques fois de vraies malédictions, Dieu semble encore se jouer de nous tous, Il semble vouloir essayer de nouvelle combinaison pour voir si ses enfants peuvent changer ? En mieux.
La représentante des îles philippines serait bien incapable de savoir comment est-ce que tout cela s'était déclenché ? Si les Etats-Unis nous disent "pas de soucis", pourquoi s'en faire ? C'est ça ?
Aux Philippines, les gens prient. Ils prient pour ceux qui contractent des mutations, ils prient pour que cette nouvelle sorcellerie vienne du Créateur. Mais comme elle aussi, allégorie de son pays, a contracté cette force psychique, cette capacité de déplacer les objets par le simple fait d'y penser. Un ange ? C'est ce qu'elle avait entendu autour de la table des représentants de son gouvernement.
Elle rit en y pensant et sert son chapelet en améthyste entre ses doigts fins.
Elle n'a jamais eu la prétention de se considérer au-dessus de ses concitoyens même avec son immortalité. Alors une mutation en plus ou en moins ne changera pas la donne. Ce n'est qu'une étape en plus.
Mabel fixa le croissant de lune claire au-dessus de sa tête et resta encore un moment, songeuse.


27 Septembre 2015 : Injustice…

" Êtes-vous aussi épris de votre argent pour abandonner votre peuple ? feula la brune en se redressant d'un coup faisant part la chaise contre le mur dans un bruit sourd dans son accès de colère. Vous avez accueillis des réfugiés Américains il y a une semaine et maintenant vous refusez de rouvrir les ponts maritimes entre NOS îles ?! "

Voilà quelques semaine que la mutation n'avait plus rien d'une fantaisie génétique, juste bonne à une nouvelle évolution pour permettre à l'homme de résister aux aléas climatiques, à son nouvel environnement. Non. La mutation était plus de l'ordre de celle qui avait séparé les néandertaliens des homo sapiens, cette mutation qui avait vu s'éteindre l'ancienne génération comme elle allait surement faire disparaitre les hommes remplacés par ces monstres aux capacités surhumaines, à la résistance de fer. Plusieurs grandes villes commençaient à être envahies, la population urbaine décimée.
Etait-ce là leur punition pour avoir voulu contrôler la nature des choses ? La punition que Dieu avait préparé depuis longtemps ? Le nouveau fléau ?

Et regardez les ces politiciens engoncés dans leurs costumes ridicules à baisser la tête face à la fureur de la représentante des Philippines. Elle aurait pu les balancer par la fenêtre rien qu'en haussant un sourcil, elle en était capable vu la rage qui lui enserrait la gorge, mais elle ne pouvait pas se résoudre à utiliser son pouvoir pour ça…
Au nom d'une quelconque amitié américano-philippine, certains réfugiés américians avaient trouvés un sol pour les accueillir, l'île de Luzon. Pourtant le gouvernement, sans vraiment le dire, coupait de plus en plus les échanges entre les différentes parties de l'archipel philippine pour des questions sanitaires disaient-ils ? Quand on sait que les échanges commerciaux de l'ASEAN commençaient eux aussi à se raréfier … Comment pouvaient-ils encore songer à aider les autres quand leur peuple commençaient à étouffer sur les îles encore à majorité sauvages et boisées.

" Les européens, les Américains, les Chinois, ils pouvaient bien tous aller brûler en enfer, pourquoi penser à eux alors qu'eux ne penseraient jamais à nous ! "

Les mots dépassèrent les pensées de la Philippine quand les dossiers volèrent dans la pièce autour d'eux. Elle en était malade. Elle ne pouvait pas laisser les Philippines ainsi. Il fallait réagir !


Décembre 2014 : Agonie …


Les rues de Davao sont désertes. L'atmosphère est lourde, la jungle qui descend de la montagne grignote petit à petit le ciment de la route. Le soleil brille haut dans le ciel, narguant la silhouette solitaire qui cherche désespérément quelqu'un. L'île de Mindao a été abandonnée… comme toutes les autres îles, exceptée Luzon. La mutation a dévoré la population comme une nuée de sauterelles dévore un champ… Le gouvernement s'enferme dans son égoïsme de privilégié, priant aveuglement pour un secours extérieur, incapable de prendre des décisions internes, hermétiques à chacune des propositions de Mabel qui hurle à la mort, à s'en briser a voix pour trouver quelqu'un dans les rue de cette ville qu'elle a vu grandir … qu'elle a chéri plus que n'importe laquelle. Les Philippines agonisent sous les typhons, la jungle et les mutants.


Mars 2015 : Milan ?

L'Italie ? Comme par hasard … L'Europe, dernier refuge de la civilisation c'est ça ? Quand était-il des autres ? Est-ce que Milan serait vraiment le dernier bastion, l'ultime réunion au sommet pour trouver une solution ?


Juin 2015 : Solitude…

Il faut y aller… Ce n'est pas les derniers députés qui te retiendront Mabel. Ils deviennent fous à tourner en rond dans leur bunker, à refuser l'asile aux différentes petites communautés qui ont bravé le monde pour rejoindre Manille. L'eau potable est contaminée pour plus de la moitié sur l'ensemble du territoire. Les vivres se font rares, la population dépérie ne ressemblant plus qu'à une masse informe de mines blafardes, aux yeux exorbités qui regarde passer la représentante de leur pays, méconnaissable, aux traits tirés, partir pour l'Italie. Une contré qui leur paraît tellement lointaine, presque comme un mirage qu'on ose à peine apercevoir de peur de le faire disparaître.
Mabel ne peut plus rien faire pour son pays en restant ici. Elle a été bannie de toute discussion politique jugée trop "extrême" et faisant "acte de trahison envers son pays", elle décide de partir. Puisque le dernier rempart de l'humanité la pousse à traverser le monde, elle le fera pour revoir un jour la vie traverser les rues de son pays et la couleur revenir dans les yeux de ses compatriotes.

12 Octobre 2015 : Alors ?

Des mois de traversé et la voilà enfin devant cette base, bunker sombre et peu accueillant renfermant les nations du monde… Sur la route c'est autant plus de mort et de chaos qui lui ont fait perdre foi en l'Humanité. Traverser l'Europe centrale jusqu'à la Syrie qui n'est plus qu'un désert aride, puis rejoindre la Grèce et ensuite traverser la Méditerranée... Plusieurs mois de marche, de bateau à peine étanche... Milan mérite vraiment ?