Pendant longtemps, il avait cru que les avancées technologiques avaient du bon, et rien ne lui avait encore prouvé le contraire. Les progrès médicaux, le développement de nouveaux matériaux toujours plus résistants. Grâce à certaines mutations, qui avaient rapidement gagné le reste du monde depuis les États-Unis, les gens développaient des capacités surprenantes et utiles à la société. Une partie du rendement s’améliorait, le chiffre d’affaires des pays aussi. Il y avait bien des contestataires, mais étrangement, ses derniers étaient assez peu nombreux. Même s'il ne s’y intéressait pas trop, il ne pouvait que constater la réalité, plutôt bonne.
Tout cela semblait venir d’un pays de l’autre côté de l’océan, des USA. Ils avaient trouvé un mutant, une créature non humaine, déroutant. Le monde ne tournait plus rond. Par le passé, ils avaient dû faire face à des crises, mais jamais comme celle-ci auparavant. Des modifications génétiques… Des personnes qui perdaient la raison. Les avancées technologiques avaient du bon, mais pour le coup, le Bulgare était en colère contre la stupidité humaine. Ils n’y étaient peut-être pour rien, mais bon, il estimait avoir eu son lot de mauvaise surprise en tant que nation. Bien qu’il n’en montre rien, son gouvernement semblait sur les nerfs et perdre peu à peu pied. La Bulgarie, pays des Balkans n’avait pas trop souffert au contraire d’autres pays d’Europe centrale notamment. Vêtu d’un costume, bien qu’il estime que ce soit déplacé au vu de la situation actuelle. il avait eu un avis plutôt neutre sur le projet et les avancés. Il avait bien entendu ses voisins et le reste du monde d’en parler avec plus ou moins d'intérêt. Les conflits passés lui avaient appris la prévoyance, mais vu qu’il s’était quand même éloigné de la plupart de ses voisins à cause de guerres internes, comme dire… Il n’y avait que Roumanie et Macédoine avec qui il est en contact régulier. Il avait bien aussi quelques informations du côté de l’Europe, mais rien de bien précises. Elles s’étaient généralisés et on ne sait comment, avait été le début de la fin.
Il se souvenait comme il avait pris connaissance de son donc. Comme si c’était hier. On faisait cas un peu partout d’attaque de mutants, comme des cas sporadiques qui allaient ici et là. La fièvre des mutations avait atteint son peuple et il s’était dit que lui aussi il finirait par être atteint, en toute logique, puisque son statut de nation reflétait son peuple. La première fois qu’il avait dû faire affaire à celle-ci, il avait mis ça sur les troubles émergents. Et puis, il avait ce livre depuis des années, rien de surprenant à ce qu’il se souvienne de certains détails le concernant. Petit à petit, ses moments là s’étaient rapprochés et il avait voulu en savoir plus. Dans un premier temps observateur, il avait user de son statut pour obtenir des informations sur les choix de sa population. Les documents avaient été pour certains difficile d'accès, mais avec un peu de persuasion on arrivait à tout. Il ressortait qu'une bonne partie de son peuple regrettait le passé. Sa puissance du moyen-âge, son passé commun avec les allemandes lors de la deuxième grande guerre ou avec l'URSS pendant sa période soviétique ? Ou bien, beaucoup plus simplement à l'échelle humaine se souvenir des êtres aimés qui avait trépassées, des moments où l'on était plus libre ? Son peuple semblait se raccrocher au passé et dans un sens, cette vision l'attrista autant qu'elle le rassura. Il les comprenait, revenir à sa grande époque était une volonté, bien souvent tu de chaque nation, mais qui était ancré un eux.
Il avait espéré que ça passe avec le temps, presque naïvement, mais non. Le plus énervant, à ses yeux, c’était qu’il ne les contrôlait pas. Il était dépositaire des facteurs extérieurs. Après, le monde avait sombré et chacun avait essayé de trouver la meilleure solution pour survivre... Reportant son attention sur l’auditoire qui se trouvait face à lui, il prit la parole. La décision lui coûtait et il avait l’impression de fuir, mais il n’avait pas le choix.
“- Ma décision est prise, déclara-t-il face à l’assemblée de soldats et à son dirigeant actuel. Déclarez l’état d’alerte dans les régions où ce n’est pas encore le cas. Fermez les écoles s'il y en a qui sont encore ouverte et regroupée vous dans les bases militaires, sans distinction de rang ou de richesses. La situation est critique mais c’est à vous, les forces armées, qui avez repris la direction de ce pays d’agir.”
Le brouhaha remplit rapidement la salle. Il avait en effet attendu, trop à son humble avis, espérant que son gouvernement résiste à la crise. Mais celui-ci avait sombré comme d’autres avant lui. Quelle que soit l’époque, ce dernier avait toujours autant de mal à se stabiliser et à agir dans une même direction. Tous ses hommes et ses femmes qui semblaient en proie à l’angoisse quelques minutes auparavant semblaient rassurer par la présence du jeune homme aux yeux verts à leurs côtés. Il n’avait jamais compris pourquoi il avait cet effet-là sur son peuple et n’avait pas cherché à comprendre. Son statut de nation le protégeait de certaines remarques virulentes et bien qu’il soit victime comme eux de la situation, il essayait de rester digne, et surtout sérieux. Pour son peuple, bien peu nombreux actuellement. Des gouvernements vacillants et des conflits armés, son pays en avait vu et lui aussi mais rien de cette ampleur. La situation actuelle l’avait pris à dépourvu et même avec du recul, autant qu’il pouvait en avoir au vu des événements.
Tandis qu’il observait les rares journalistes télévisés encore présents capturer l’allocution du dirigeant et que les chaînes de radios regroupés avec eux dans le bâtiment de l’Assemblée nationale à Sofia, transformer en campement militaire. Malgré les apparences, le lieu était sécurisé et il y avait un bunker au sous-sol, vestige des conflits qui avaient animé le pays et le monde. Bon, les gens n’en avaient peut-être rien à faire, mais il voulait laisser son pays en ordre avant de partir. Pour se donner conscience tranquille et se rassurer. C’était une piètre méthode mais bon.
“ - Et vous, qu’allez-vous faire ? Lui demanda le chef des états-majors, inquiet malgré tous pour la sûreté de leur nation.
- Ne vous inquiétez point pour moi, je suis apte à assurer la sécurité, j’ai survécu à d’autres guerres. Pour notre sécurité à tous,, je ne peux pas vous révéler ma destination.
- Vous allez fuir le pays .
- Non, je vais chercher une solution à ce problème, qui nous concerne autant en tant que nation que vous. C’est notre rôle de trouver une solution pour nos peuples lorsque ceux-ci vont mal. Mais pour cela, je dois aller voir sur place.
- Bien monsieur. Si vous souhaitez, certains de mes hommes pourront vous accompagner.
- Je partirai seul.”
Le ton employé, ferme sans pour autant hausser la voix, fit comprendre au militaire que le brun n’allait pas changer d’avis. Bien que la situation lui déplût, il savait aussi qu'il ne pouvait le lui interdire.
Ce qui l’inquiétait, c’est qu’il n’avait plus beaucoup de nouvelles des autres nations, même celles voisines. D’habitude Roumanie et lui étaient en contact quand ce n’était pas avec ses voisins du sud... Après avoir récupéré quelques affaires et surtout des vivres dans la chambre/bureau qu’il occupait et avoir donné ses dernières consignes, il quitta discrètement l’assemblée.
Dehors, les rues étaient désertes, il y avait à peine quelques badauds qui cherchaient des vivres. Et même s'il ressentait les craintes de son peuple, il savait aussi que ce dernier arrivait à faire avec la situation. La vie semblait s’être arrêté. Soupirant silencieusement, il ajusta son uniforme militaire, plus pratique pour se déplacer. Autour de lui, des maisons avaient été abandonnées, des voitures brûlées et dépecées. Pour peu, on se croirait en temps de guerre. La menace n’était plus l’autre, mais des choses inconnues. Pourtant malgré la difficulté de la situation, malgré tous, certaines personnes étaient en vie, preuve que l’humanité résistait encore et toujours, tant bien que mal.
Les premiers jours, il n’y eut pas d’incidents, même s'il avait parfois eu du mal à se dire que peut-être, c’était la dernière fois qu’il voyait son pays. C’était un voyage risqué mais les informations qu’il avait difficilement acquises lui disaient de se rendre en Italie, à Milan. Il n’avait rien contre le pays, mais pourquoi s’étaient-ils réunie là-bas, mystère. Et c’était actuellement la dernière chose qui l’inquiétait. Les mutants, il y en avait. Au lieu de couper par les terres, il avait gagné le bord de mer. Il savait qu’il rallongeait son voyage, mais au moins, il pourrait pêcher s'il manquait de nourriture et il pourrait rejoindre l’Italie par ce chemin-là. Les paysages se ressemblaient et plus il avançait, moins il savait s'il était dans la bonne direction. Les villes et villages étaient à l’abandon, et plus d’une fois il avait dû courir et se cacher pour éviter les mutantes et autres menaces indéterminées.
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“-Vous vous réveillez enfin ! Dieu soit loué! Mais que faisiez-vous dehors seul ?
- Добре съм. Je vais bien, reprit-il une fois qu’il a un peu retrouver ses esprits et saisit la langue dans laquelle son interlocuteur lui parlait.
- Nous vous avons retrouvé inconscient près de notre refuge. Vous avez eu de la chance de ne pas vous faire tuer. Évitez de bouger, vous vous être cogner la tête sur des rochers en tombant, déclara la femme, qui semblait être la dirigeante ici.
- Ne vous inquiétez pas pour moi, déclara la nation en se relevant malgré tout.”
Ses jambes étaient vacillantes lorsqu’il se remit debout, mais il avait connu pire durant son existence. Il avait encore beaucoup de chemin à parcourir avant de rejoindre Milan. Une fois sur pied, il vérifia qu’il était entier et hormis un hématome et du sang coagulé là où il s’était cogné, il était indemne. Il attache rapidement une bande de tissu pour éviter que la blessure se rouvre par inadvertance. Il savait ce qui lui était arrivé, ce qui lui arrivait de plus en plus souvent quand la fatigue était trop importante. Il évitait les lieux habités, emplis de souvenirs et d'objets du passé. Il souffrait déjà assez tous seul pour que l’on vienne lui rajouter d’autres souvenirs qui n’étaient pas les siens.
“- Restez ici, l’interpella la chef du groupement. Nous pouvons assurer votre sécurité et puis c’est dangereux de voyager seul actuellement! Vous allez droit à la mort.
- J’ai des amis à retrouver leur sourit-il en récupérant ses affaires. Et vous en avez plus besoin que moi, ajouta Tsvetan en leur tendant une de des deux armes et quelques munitions. Prenez ça comme un remerciement pour m’avoir sauvé.
- Passez au moins la nuit ici, vous avez perdu connaissance pendant une demi-journée ! Vous avez besoin de repos.
- Je m’en remettrais. À bientôt, dans d’autres conditions j’espère. Restez en vie.“
Sur ses dernières paroles, il quitta le refuge. Il savait que c’était de la folie, mais il ne pouvait pas rester. Il représentait un risque pour eux car il sentait qu'on le suivait ou peut-être était-ce seulement son esprit qui lui jouait un tour. À force de se méfier de tous et de tout le monde, il ne savait plus agir de manière. Voir des gens vivants lui avait donné du baume au coeur, de voir que certaines personnes ne gardaient pas tous pour eux de manière égoïste. Il avait bien croisé un ou deux camps de survivants mais ils l’avaient trait avec mépris voire violence dans le premier cas. Ses vivres étaient presque terminés et même s'il s’était rationné, ils se demandaient s'il allait arriver au camp, s'il existait, sans être mort de faim avant. Enfilant ses gants, usés par le voyage, il ne s’accorda une pause que lorsque les premiers rayons du soleil apparurent.
Pendant plusieurs jours, il continua sa route, son crâne le lançant et il est dû s’arrêter plusieurs fois pour ne pas perdre l’équilibre. Quand ce n’était pas à cause de sa mutation, c’était à cause d’une blessure. À croire que l’univers s’était ligué contre lui pour qu’il aille rejoindre le sol de manière systématique. Plus les semaines passaient moins il se disait que son voyage allait se terminer par sa mort. Parfois, il se disait qu’il valait mieux qu’il reste ici à se laisser mourir. Dans ses moments là, il fermait les yeux et essayait de puiser en lui les ressources nécessaires pour avancer. Il essayait de penser à de petites choses toutes simples qui lui redonnait le moral. Il était en vie et il n’allait pas cracher dessus. Ses propos étaient décousus, mélange de tous ce qui se passait dans son esprit. L’isolement n’était jamais bon pour la santé mental de toute manière et ça faisait des siècles que cela était prouvé. Et puis, le plus drôle dans tous ça, c'est qu'il ne pouvait pas mourir. Il le souhaitait parfois, mais il était lié à son peuple, et tant que celui-ci était vivant, il lui survivrait.
Alors que l’hiver s’était installé sur son chemin, lui offrant de quoi boire plus que nécessaire et des bons coups de froids, il finit par arriver dans les terres. La ville n’était pas en bord de mer. Déjà, les rares panneaux ayant survécu indiquaient des informations en italien, s'il ne mélangeait pas avec les autres langues limitrophes. Il suivit ensuite les panneaux et les autoroutes, pour celles qui étaient encore praticables. Il n’osait utiliser les véhicules, par peur d’attirer les mutants. En tant que personne seule, il était une bonne cible mais il avait pour lui l’avantage de la discrétion. Bon, il avait sûrement plus court, mais il ne voulait pas se perdre. Après avoir suivi cet itinéraire, et tourner plusieurs jours avec angoisse dans Milan et ses environs, se demandant si ce n’était pas des ragots et de fausses rumeurs, il arriva devant une enceinte qui lui semblait habitée.
Tandis que des images emplissaient son esprit, un sourire apparu sur son visage. Se laissant choir sur le sol, il attendit que les souvenirs s'apaisent, de retrouver ses capacités mentales et de mouvement... Des visages. Des visages connus, plus ou moins amicaux. Il était arrivé. Après plusieurs mois de voyage, il avait fini son voyage. Même si l’avenir était sombre et incertain, des nations survivaient et essayaient de travailler ensemble pour trouver une solution à ce cataclysme. Ce fut bien l’unique fois où il remercia sa mutation, de lui apporter un peu d’espoir.